Peut-on vraiment savoir la durée d’un deuil ?
La question « Combien de temps dure un deuil ? » revient fréquemment, que ce soit dans les cabinets de thérapeutes, les livres spécialisés ou les recherches en ligne. Chaque mois, des milliers de personnes tapent ces mots dans Google ou ChatGPT, cherchant des repères pour naviguer dans cette période difficile.
En préparant cet article et mon livre, j’ai observé les préoccupations des personnes en deuil ou accompagnant quelqu’un dans cette épreuve. Les questions reviennent sous différentes formes, mais toujours avec la même urgence :
- Combien de temps cela va-t-il durer ?
- Est-ce normal d’en être encore là ?
- Quand vais-je me sentir mieux ?
Derrière ces interrogations se cache un besoin profond de comprendre, de cadrer et de savoir si un jour les choses redeviendront comme avant. On espère une durée moyenne, une réponse claire, presque un calendrier émotionnel avec des étapes à cocher. Mais le deuil ne suit pas d’agenda. Il ne se mesure pas en semaines, ni en mois, et parfois pas en années non plus.
Le deuil ne se termine pas. Il se transforme.
Comprendre la transformation du deuil
Mauvaise nouvelle: le deuil ne se termine pas. Bonne nouvelle: il se transforme au fil du temps.
Quand on perd un être cher, un animal, un travail, une maison, un pays ou une vie qu’on aimait… ce n’est pas un simple événement à surmonter. C’est un avant qui bascule dans un après.
Ce n’est pas la tristesse, le manque ou la douleur qui dure pour toujours. C’est le lien qui change. Votre identité. C’est votre perception, vos habitudes, vos émotions et ce que cela a transformé en vous.
Oui, le manque ou l’absence physique prend presque toute la place au début. Non, cela ne va pas disparaître du jour au lendemain. Par contre, cela peut faire place à autre chose. Parfois, une présence symbolique, ou encore des nouveaux souvenirs, une trace, une nouvelle façon de voir la vie.
Le temps qu’il faut pour faire son deuil

Existe-t-il une durée moyenne pour le deuil ?
Le temps qu’il faut pour faire son deuil, pour « passer à autre chose », existe-t-il vraiment ? Ou est-ce apprendre à vivre autrement avec ce vide-là ? C’est intégrer cette absence, ses souvenirs et ce qu’ils représentent dans notre vie, sans s’y enfermer, mais sans les nier non plus.
Le deuil ne suit pas une ligne droite. Avancer, reculer, se croire « presque guéri·e » un jour, puis retomber. Le deuil, c’est des vagues, des spirales, des saisons aussi diverses que des émotions.
Le temps ne guérit pas tout. Mais il peut adoucir. Il peut réellement laisser place à autre chose.
Et si l’enjeu n’était pas de tourner la page ?
Vivre avec son passé
Dans mon livre, je parle de cette manière que nous avons parfois de vouloir ranger le passé comme un dossier clos. Mais le passé ne se referme pas. Il nous habite. Il nous façonne. Il nous donne des indices, des réponses, des messages.
Ce que j’ai perdu fait partie de moi. Ce n’est pas un obstacle à ma vie actuelle. C’est une couche de profondeur.
Je rejoins ici la pensée de Charles Pépin: Vivre avec son passé c’est ne pas chercher à l’effacer, ni vivre dans son passé, mais bien à cohabiter avec lui, avec lucidité et avec ce qu’il nous a apporté.
Chaque personne, chaque rythme
La diversité des réactions face au deuil
Certaines personnes semblent traverser une perte sans être profondément ébranlées ou se remettent très rapidement. Elles parlent d’acceptation, de cycle de la vie. Elles paraissent en paix ou parfois froides et distantes pour d’autres.
Je m’interroge : Qu’ont-elles vécu pour en arriver là ? Ont-elles déjà tout pleuré avant ? Ont-elles cette sagesse naturelle, ou un recul appris au fil du temps, ou encore cette capacité de ne pas se sentir impactées ?
Et puis il y a les autres. Ceux qui ressentent tout, tout de suite et certains qui ne s’en remettent jamais, pour qui chaque absence résonne longtemps. Ceux pour qui le manque s’installe tellement profondément qu’il est impossible de se relever.
Il n’y a pas une seule façon de vivre un deuil. Mais ce qui est sûr, c’est qu’on ne devrait jamais croire qu’il a une durée limitée, une date de péremption, une échéance à respecter.
Un jour, l’amour prend une autre forme
La transformation de l’amour après la perte
Quand on a aimé, on ne « fait » pas son deuil comme on classe un dossier. On apprend, on se relève, on avance. Et parfois, on s’aperçoit que l’amour s’est déplacé dans autre chose au fil du temps : un regard, un mot, un rituel, une douceur qu’on s’offre, une nouvelle façon de voir la vie et de percevoir ce que l’on a vécu avec ceux qui ne sont plus.
La personne a existé, existe encore mais autrement, et sera sans doute là éternellement. Et ça, parfois, il faut aussi du temps pour s’en rendre compte.



